Sur ce tronçon, je me suis fait rattraper par ma déformation professionnelle. Mon capitaine est un élève captif et assidu mais je profite du blog pour élargir mon public.
La toponymie est l’histoire du nom des lieux et ici c’est Christophe Colomb et les Espagnols qui se sont taillé la part du lion ; ainsi Montserrat est baptisée en 1493 par Colomb en référence au massif de Montserrat, voisin de Barcelone. La même année, Christophe Colomb découvre l'île de Nevis, qu'il baptise Nieves en référence à Nuestra Señora de las Nieves car le sommet de l’île est très souvent recouvert de nuages qui évoquent les cimes enneigées. Pour St Kitts, c’est le prénom de Christophe Colomb lui-même qui en fait « San Cristobál » et pour Statia, il s’est agi d’honorer St Eustache. En se promenant aux Antilles, force est de reconnaître que l’on ne sait plus à quel saint se vouer !
Le sabre et le goupillon ont, ici comme ailleurs, été les alliés précieux des pouvoirs politiques et chaque île aligne dans son patrimoine une flopée d’églises et d’installations militaires. Après l’élimination quasi totale des indiens Caraïbes et la perte d’influence des Espagnols dans ces îles, c’est la rivalité entre les Anglais et les Français qui a déterminé leur destin. A Statia, les Hollandais (présents aussi à St Martin, Saba, Bonaire et Curaçao) ont pris une part du gâteau et la synagogue témoigne de la présence d’une forte communauté juive.
Le commerce triangulaire et l’esclavage ont alors entièrement façonné l’économie de ces îles. Les plantations (« habitations » ou « estate ») souvent encore repérables aux moulins et tours à sucre se sont installées sur les bonnes terres volcaniques et la culture de la canne a remplacé le coton et le tabac. Du milieu du XVII° à la fin du XVIII°, ce crime contre l’humanité a organisé les sociétés et l'abolition n'a pas mis fin à l'exploitation économique, ni redistribué le pouvoir politique de manière égale pour tous: la structure inégalitaire, notamment raciale, du système esclavagiste, a perduré.
Au XIX° et début XX°, ces îles se sont globalement endormies, dépendantes de leur métropole et ce n’est qu’assez récemment que le tourisme est venu changer la donne. En fonction de leur potentiel, elles ont attiré des investisseurs et les formules diffèrent : Le covid a révélé la fragilité de ce choix économique auquel s’ajoute évidemment l’aléa cyclonique. Ces îles donnent l’impression de subir leur destin plus qu’elles n’en décident.
Montserrat, c’est le « Pompéi des Caraïbes » : l’île a été brisée par le réveil du volcan et, dans chaque phrase, il y a un « avant » et un « après » l’irruption ; l’ancienne capitale, Plymouth, était un port actif et dans les années 70 des pointures comme les Rolling Stones venaient profiter des tropiques et du studio d’enregistrement de George Martin, producteur des Beattles. Cet accident géant datant de 1995-97 a obligé les autorités à couper l’île en 2 et la moitié Sud est classée « No Zone ». La population a, alors, émigré vers Antigua et le Royaume-Uni. Certains espaces intermédiaires sont exploités pour le sable, le statut de paradis fiscal perdure mais a été contraint à plus de transparence et le reste de l’activité s’est déplacée vers « Little Bay » où des projets semblent un peu retardés par le Brexit et l’arrêt des subsides européens. Le tout laisse une impression un peu triste.
Saint Kitts et Nevis font parler d’elles tous les 4 ans pour les jeux olympiques car elles fournissent de bons concurrents en athlétisme. Entre temps, ces deux îles devenues indépendantes du Royaume-Uni en 1983 ont abandonné la culture de la canne à sucre et le tourisme apparaît comme le principal poste du PIB. A Nevis, c’est la formule « hôtel de luxe » et golf (inabordable) : le « four season » qui a été retenue. A St Kitts, dans le Sud, une marina pour méga yachts démarre à peine car le Covid a dû freiner les ardeurs ; en revanche, dans la capitale, un énorme quai peut accueillir 3 bateaux de croisière en même temps, ce qui donne lieu à la descente d’une horde de bedats à Basse-Terre, le temps d’une journée : formule catastrophique où les croisiéristes déambulent comme une humanité dégénérée avant de retrouver leur univers standard à bord. Beurk …. Si on s’éloigne de tous ces lieux, ces îles sont vraiment jolies et tranquilles et, à St Kitts, une citadelle très bien restaurée témoigne de la lutte que se livraient les pouvoirs coloniaux (ici, les Anglais et les Français), qui après des batailles rangées meurtrières signaient des traités en procédant à des arrangements.
A Saint-Eustache ou Statia, le volcan éteint, « the Quill », occupe le sud de l’île et l’activité est concentrée autour d’Oranjestad qui a été une plaque tournante du commerce au XVII°et XVIII°, ce qui valait à l’île le surnom de « Golden rock » : la ville basse, aujourd’hui rognée par la mer, alignait 2 kilomètres d’entrepôts reliés à la ville haute par la « old slave road ». Elle est également célèbre pour avoir reconnu en premier le pavillon américain, suite à la déclaration d’indépendance, en lançant des coups de canon pour saluer le vaisseau « Andrew Doria » ce qui enragea si fort les Anglais qu’ils pillèrent la ville en 1781. Elle semble ne s’en être pas remise ! Aujourd’hui, c’est une île tranquille de 3000 habitants où il fait bon s’arrêter.
Nous gardons Saba pour le trajet retour et allons pousser notre curiosité sur St Barth et St Martin en compagnie de Lisa et Nicolas…
Coin des phares et balises : l'entrée du port de Terre de Bas aux Saintes est un cas unique où le signal bâbord est une vierge Marie! Nous, on mouille à Grand Baie et on squatte chez Christian. L'île est un centre de gravité et un stop obligé.

L'arbre du voyageur

La soufrière, Montserrat
Petit tour à la limite de la zone interdite.

Entre Charlestown et le "four season": le capitaine et Emilio.
A Nevis, les contrastes cohabitent.

La forteresse de Brimstone Hill : des tonnes de cailloux et des canons
La citadelle ne peut contenir ce flux de touristes, ni la stupidité de la formule...

Statia, la station service des Caraïbes.
Présence hollandaise
A Terre de Bas, on n'a pas fini de s'amuser.
Coucou les amis!!
ou êtes vous ?
déjà partis sous les tropiques ?
j ai hâte d avoir de vos nouvelles !!
gros bisous
vivi
Alors avec vous , on voyage sans bouger ! Superbes photos , commentaires où on a l’impression d'y être , des couleurs , de l’énergie , merci de partager tout ça !á bientôt Katy
Quel plaisir de te lire. Je guette régulièrement l'arrivée de tes publications. Continue à nous faire rêver.
Alain.
Merci Françoise, tes élèves avaient de la chance car tu sais capter l'attention et faire vivre l'histoire que tu racontes. Je ne connaissais rien de ces îles, ça donne envie d'en savoir plus et tes photos sont belles.
Plein de bises à tous les deux.
Susan
Te lire est un réel dépaysement! Est ce que quelqu'un vous raconte à vous ce qu'il se passe ici pour pour "ambiancer" un peu avant le retour ??!!
A ce stade je ne peux que te conseiller de lire Alejo Carpentier, Le réel merveilleux, Le siècle des Lumières ... La harpe et l'ombre... Un régal...
Ma nièce Lou est toujours Institutrice à Saint Martin et j'espère bien aller la voir l'an prochain. bises Maryse